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L’Hospitalité sauvée de la crise attend un nouveau cap

Flèche-Bas

Dans le film « Boudu sauvé des eaux », Michel Simon s’installe chez son sauveur et se comporte de telle manière qu’il finirait par lui faire regretter de s’être jeté à l’eau pour lui éviter la noyade. Faire le parallèle avec la Cour des comptes est audacieux. Pourtant, elle pose la question légitime de la pertinence des milliards déversés par l’État pour sauver toute une industrie de la mort certaine.

Oui, la « générosité » de l’État était-elle légitime ? A-t-elle été récompensée ? Les entreprises sauvées ont-elles été à la hauteur des attentes de leur sauveur ? Aurait-il mieux fait d’agir autrement ?

Chacun s’accorde à reconnaître que l’intervention massive de l’État et de ses différentes agences a sauvé l’outil de travail et ceux qui le font tourner : subventions, fonds de solidarité, chômage partiel, suspension de charges, accès aux PGE… Toute cette batterie de mesures a été remise à jour régulièrement pour boucher chaque trou dans la raquette.

A un titre ou à un autre, c’est pratiquement la totalité des entreprises qui a bénéficié d’une mesure d’aide pendant les deux ans de gestion de la crise. Au passage, certaines ont un peu plus que d’autres tiré sur la corde, profitant des dispositifs pour engranger des ressources financières inespérées.

La Cour des comptes déplore que ces entreprises, et globalement le secteur Tourisme, n’aient pas profité du moment pour investir dans la relance et leur transformation. D’abord, c’est méconnaître la temporalité de l’investissement et passer un peu rapidement sous silence tous les efforts accomplis par les acteurs de l’hospitalité dans leur ensemble.

Il faut aussi insister sur le mélange qui crée de la confusion entre les entreprises qui font voyager les Français, le plus souvent à l’étranger, et celles, beaucoup plus nombreuses, qui accueillent les visiteurs nationaux et internationaux. Ce sont elles qui créent de la richesse et qui ont conscience de la nécessité des investissements.

C’est si vraie que « sauvée des eaux », l’industrie hôtelière repart de plus belle avec des projets multiples pour répondre aux grands événements sportifs imminents et, plus généralement, aux évolutions des comportements de leurs clients. Il faut juste laisser le temps au projet de se formaliser, de se mettre en œuvre et de se concrétiser.

Quand on connait les déboires et les retards des grands investissements publics, comme ceux du Grand Paris Express, l’hospitalité est loin d’être dans la même situation. D’autant, que s’il y a un reproche à adresser, c’est peut-être en direction des banques qui ne jouent pas suffisamment leur rôle d’accompagnement du financement.

Celles-ci se réfugient un peu vite derrière les contraintes de Bâle III et l’analyse de l’endettement des entreprises. La prise en compte brutale des PGE dans la charge de la dette des hôteliers et restaurateurs limite très largement leur capacité d’investir sans le soutien bancaire. On pourrait attendre des banques qu’elles assument un minimum de prise de risque. Cela fait bien partie de leur métier d’analyser la pertinence des business plans.

Beaucoup d’investisseurs, fonds privés, semi-publics, family offices, déplorent la timidité des établissements bancaires à les suivre sur des projets porteurs. Les résultats récents montrent bien à quel point le secteur de l’hospitalité est porteur. Les entreprises ont pu redémarrer très vite leur activité en sortie de crise, malgré les énormes difficultés à recruter.

Quand la balance commerciale se dégrade dangereusement, le secteur des Services et particulièrement du Tourisme, limite la casse avec une forte balance positive. Rendons à César, et donc au secteur de l’hospitalité, le bénéfice de cette performance. Un petit coup d’accélérateur serait le bienvenu mais encore faudrait-il une vision et une gouvernance à la hauteur des enjeux.

Le secteur hôtelier, plus que les autres, a le mieux joué le jeu de la transformation. Il suffit pour s’en convaincre d’énoncer les nouvelles grilles de salaires, les initiatives pour une gestion plus durable et écologique, la proposition de nouveaux concepts…

La Cour des comptes a sans doute raison d’être plus exigeante, d’espérer une transformation plus profonde du secteur avec des objectifs ambitieux. Les « plans » du Gouvernement sont encore en place pour quelques années mais les aides et les incitations sont-elles bien fléchées dans la bonne direction ? A-t-on seulement une idée claire de cette direction ?

Selon l’adage d’Érasme, le poisson pourrit toujours par la tête. Nos structures du pouvoir public en sont-elles malades ? On peut légitimement se poser la question.

Le Comité de filière semble avoir un peu de mal à choisir sa voie et son mode de fonctionnement. Il serait dommage que l’outil efficace à gérer la crise se transforme en un nouveau « machin », comme l’aurait déploré De Gaulle en son temps.

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