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Hospitalité & Altérité

Flèche-Bas

A lire et entendre les déclarations d’un certain nombre d’élus de la mouvance écologiste sur l’évolution voulue de leurs métropoles, on est en droit de s’interroger sur leur perception de ce que représente l’industrie touristique.

Pour nombre d’entre eux, souvent à la tête de grandes villes, le tourisme est vécu comme une nuisance dont il faut limiter, voire éradiquer les conséquences. Le bien-être des résidents serait incompatible avec la horde plus ou moins incontrôlable de visiteurs, dévoreurs d’espaces, perturbateurs de tranquillité.Le trait est un peu grossi, mais pas tant que cela, quand la circulation des autocars de tourisme est réduite à la portion congrue dans les centres-villes, quand certains événements festifs sont remis en cause, quand de nouveaux investissements sont contestés en s’interrogeant sur leur utilité pour les habitants. Pour des dirigeants, dont la vocation humaniste devrait être au moins aussi forte que les préoccupations environnementales, l’attitude est surprenante voire perturbante. L’enfer n’est pas forcément les autres ! Pourquoi se défier de ceux qui viennent profiter – au bon sens du terme – de la douceur de vivre, de la richesse patrimoniale, de la convivialité ancestrale ? Pourquoi vouloir les parquer, les rejeter ou les décourager quand ils viennent avec de bonnes intentions et un pouvoir d’achat intéressant ?Certaines destinations en sont venues à pratiquer le « démarketing » assumé, une forme de « circulez, plus rien à voir, en tout cas pour vous !», au nom de la protection contre le surtourisme. Il est évident que les exemples fourmillent de situations caricaturales à Venise, Barcelone, Dubrovnik ou au Mont-Saint-Michel qui justifient des mesures drastiques et spectaculaires. Autre travers tentant, pratiquer une sélection par l’argent : monter en gamme et n’offrir que des prestations premium, considérant que le CSP+ s’intègre mieux à la vie urbaine. La gentrification des centres urbains est déjà un phénomène naturel, est-il nécessaire de l’accélérer ? Quand ces élus mènent leur réflexion stratégique à courte vue, ils ont tendance à oublier beaucoup de choses.D’abord qu’une destination ne peut pas être figée. Une ville vit naturellement avec l’air du temps, au risque de se transformer en village fortifié coupé du monde. Sa physionomie change avec les années, mais est-ce que cela remet en cause son attractivité ? Le Paris du baron Haussmann a suscité bien des polémiques sur la destruction de quartiers hérités du Moyen-Âge, et pourtant insalubres. Est-ce qu’il est remis en cause aujourd’hui ? New York a vu naître ou renaître un nouveau quartier tous les dix ans, relançant à chaque fois sa découverte pour les visiteurs blasés. Sans aller si loin, la transformation des quais de la Gironde et le développement du quartier du Bacalan ont propulsé Bordeaux au rang de nouvel Eldorado urbain…Où se situe la différence entre les métropoles qui affichent de l’ambition et celles qui refusent leur transformation ? Sans doute un manque de vision à moyen terme d’abord, avec le sentiment que les électeurs reprocheraient à leurs édiles de s’être laissés déborder. Une incompréhension aussi de ce que représente l’hospitalité dans l’économie urbaine : hôtels, restaurants, hébergements sous toutes leurs formes, commerces, attractions… sont des acteurs essentiels de la vie locale. On ne peut se limiter à une approche malthusienne de la relation avec les autres en préférant les éviter que les gérer. On s’aperçoit, le plus souvent, que l’anticipation a fait défaut, que la programmation est davantage responsable des protestations que les travaux eux-mêmes. Revenir aux fondamentaux de l’hospitalité, à savoir partager – si possible ensemble – une expérience authentique n’implique pas de mettre des villes sous cloche, mais plutôt à travailler sur les conditions de cette expérience et les investissements qui l’accompagnent.Après tout, le partage n’est-il pas une vertu écologique ? Encore faut-il aussi convaincre certains extrémistes de la préservation que les nouveaux projets n’ont pas une volonté effrénée de détruire l’habitat des grenouilles vertes ou des salamandre noires. Le plus souvent bien au contraire, car la conscience environnementale fait partie de l’ADN du secteur de l’hospitalité. Mais qu’il est difficile de dépasser le discours doctrinal.

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