Les grands événements sont-ils encore une ambition française ?

Auteur
Vanguelis Panayotis
Catégorie
Édito
Publié le

9.4.2024

Dans n’importe quelle grande métropole, digne de ce nom, l’activité touristique est largement dépendante des grands événements professionnels et grand public qui attirent des foules de visiteurs, exposants, festivaliers, supporters… et, avec eux, un volume conséquent de retombées économiques.

La crise sanitaire a mis un coup d’arrêt brutal à un secteur où la France jouait dans le peloton de tête mondial. Pour ceux qui n’en avaient pas pris conscience ce fut un douloureux rappel du poids de l’événementiel dans le tourisme hexagonal. Vite sensibilisés sur la réalité du traumatisme, les politiques ont pris des mesures vigoureuses pour relancer le secteur dès la fin du confinement.

Pour une fois, la réactivité française a payé face aux concurrents allemands, espagnols ou britanniques, empêtrés dans leur règlementation sanitaire sur les foires et salons. Pour autant, le gain bénéfique de quelques salons internationaux, la reprise spectaculaire des Fashion Weeks, la réussite des grands rassemblements sportifs internationaux ne doivent pas faire oublier la fragilité du secteur.

Certes, la France est une terre d’accueil particulièrement efficace des grands événements. Elle peut se féliciter d’avoir institutionnalisé des rendez-vous mondiaux qui focalisent l’actualité et le business de secteurs aussi diversifiés que l’industrie aéronautique au Salon du Bourget, le cinéma au Festival de Cannes, la mode lors des Fashion weeks, la gastronomie au Sihra, l’agriculture au salon éponyme, la machine-outil au Sima ou encore les mobilités au Mondial de l’Automobile… mais ça ne l’empêche pas de se faire grignoter régulièrement des parts de marché par des pays voisins qui contestent ou jalousent notre suprématie.

L’alerte a sonné quand Cannes a perdu le salon du téléphone mobile au profit de Barcelone. Elle resonne encore quand le Suisse Art Basel détrône la FIAC sur son propre terrain parisien. Le Prowein de Düsseldorf est devenu le salon de référence professionnel face à la Vinexpo de Bordeaux, malgré sa légitimité incontestable, et même Paris doit compter de plus en plus avec Londres et Milan qui lui taillent des vestes dans ses défilés de mode.

Simples accidents de la vie des affaires ou signes précurseurs d’un déclin entamé, il vaut mieux y réfléchir maintenant que de se lamenter a posteriori.

La France n’arrête pas d’envoyer des messages contradictoires en candidatant pour accueillir les plus grands événements planétaires et en multipliant les polémiques internes dès la moindre difficulté d’organisation ou de planification.

Elle a voulu renouer avec les grandes expositions universelles, qui ont modifié le paysage de la Ville au fil des siècles, en laissant la Tour Eiffel et d’autres monuments phares derrière elles, pour finalement renoncer à son Expo 2025 par manque de mobilisation et peur du risque financier.

Manque de mobilisation ou manque d’ambition ? La question se pose face aux retombées qu’on peut en escompter. Ces grands événements ne sont pas seulement les témoignages de notre capacité à les organiser, ils sont la vitrine de nos filières d’excellence industrielles ou commerciales. De l’œuf ou la poule, on ne sait plus – et à quoi bon – si c’est Dassault et Airbus qui font le succès de l’AirShow ou si c’est le salon qui consacre notre influence industrielle dans le secteur. Il est vital d’offrir un terrain de jeu à nos champions et une pépinière qui fait naître les vocations par l’exemple.

Accessoirement, et personne ne va s’en plaindre du côté de l’industrie de l’hospitalité, cela fait bondir les performances de Cannes à Paris, de Villepinte à Toulouse, de Lyon à Montpellier, de Nantes à Strasbourg… L’événementiel a contribué largement à transformer des saisons creuses en période de haute fréquentation.

Peut-on mieux faire pour s’assurer d’une plus grande efficacité de la filière événementielle ? Sans doute ! D’abord en préservant et en renforçant tout un écosystème déjà reconnu mondialement et qui intervient déjà à l’export, à l’instar de notre champion mondial GL Event, présent sur tous les continents. Ensuite en relançant les investissements dans les grands équipements comme l’a fait Viparis dans la capitale : les quelque 80 parcs et espaces d’exposition ne sont pas tous à la pointe des nouvelles attentes des organisateurs. Mais aussi, en maintenant des sites dont la création « ponctuelle » a révélé tout l’intérêt sur la durée. Qui se souvient qu’on voulait démonter la tour Eiffel à la fin de la foire ? Le Grand Palais Ephémère mérite-t-il le même destin ? Enfin, et ce n’est pas le moins important, en créant les nouvelles capacités d’hébergement qui font encore défaut…

Évitons de perturber la reprise et l’expansion d’une filière par des communications incohérentes. La France peut accueillir sans encombre davantage d’événements internationaux, mondiaux ou régionaux dont l’impact positif se fait ressentir largement au-delà du premier. 2024 devait en être une bonne illustration et une nouvelle démonstration, s’il en fallait une, de l’excellence de notre écosystème de l’hospitalité dans sa dimension la plus diversifiée.

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