Olivier Babeau a secoué son audience lors du dernier Operator Forum en évoquant le paradoxe des sociétés modernes : une plus grande disposition de temps libre grâce à la technologie ; un temps libre qui pourrait être créatif ou récréatif mais qui est subtilisé en grande partie par la « tyrannie » des mêmes nouvelles technologies qui accaparent l’esprit.
De son côté, le journaliste britannique David Goodhard, dans son essai « La Tête, la Main et le Cœur » déplore que la société occidentale ait donné plus de valeur au travail de la Tête, en raison de la prédominance des outils technologiques, tandis que le travail de la Main et du Cœur, les métiers des services et du soin, perdaient du terrain tant en matière de dignité que de reconnaissance.
Le parallèle est facile à faire avec notre industrie de l’Hospitalité qui repose sur des expériences humaines plus que sur des performances technologiques, et qui peine à être valorisée à sa juste place. Ce qui n’empêche pourtant pas notre secteur d’être un fer de lance proclamé de la croissance économique avec une ambition affichée de porter sa contribution à 10% du PIB…
Cette ambition ne serait que des paroles en l’air sans une offre solide et innovante et sans les hommes et les femmes pour la faire vivre. La force de l’hospitalité au sens large, hébergement et restauration, réside justement dans sa créativité. Cette diversité des propositions n’est pas le fruit de logiciels sophistiqués mais la concrétisation de l’expérience ressentie ou anticipée. Elle repose sur une réalité de terrain où les technologies retrouvent leur rôle d’outil.
Et le terrain de jeu est immense. Il ne peut y avoir d’offre universelle qui satisfasse le plus grand nombre. Le concept de la taille unique, « One size fits all », a pu faire rêver quelques marketeurs adeptes du volume, des économies d’échelle et de la simplicité de communication, ... mais cela n’a pas duré.
Les concepts hybrides résisteront-ils à la complexité opérationnelle de mélanger les genres et les clients ? La segmentation fine reprend ses droits, poussée par le marketing digital, mais encore plus parce que la force de l’hospitalité et de ses créateurs est de pouvoir toucher des populations très différentes avec des propositions adaptées.
La restauration a depuis longtemps montré l’intérêt de cette diversité pour remplir une même fonction : le besoin de se nourrir. De la street food au menu du jour des 3 Macarons en passant par toutes les nouvelles formes de snacking, de restauration rapide, thématique, ethnique, bistronomique, le choix est large et inventif.
L’hospitalité a cette particularité d’épouser rapidement les modes et d’interpréter concrètement les tendances de fond. Design, technologie, développement durable se mêlent dans les nouveaux concepts, dans les nouvelles enseignes, dans les nouvelles formules, quitte parfois à surprendre.
De même que l’automobile de « Monsieur Toulemonde » profite ultérieurement des avancées des concept cars, les groupes hôteliers expérimentent dans leurs « labs » les concepts de demain.
Aucun segment n’est laissé de côté et tous, ces dernières années, ont connu une forme plus ou moins prononcée de révolution interne avec l’apparition des hostels nouvelle génération, du limited service, des boutiques-hôtels ou du lifestyle.
Du haut de la pyramide des palaces à la base plus populaire de camping ou des auberges de jeunesse, l’hospitalité est en perpétuelle réinvention. Quand l’ostentation est encore la règle pour certains à Dubaï, Hong Kong ou Miami, l’expérience zen existentielle prend le dessus dans la jungle du Costa Rica ou le désert du Wadi Rum.
Universelle dans sa vocation, l’hospitalité est plurielle dans sa concrétisation.
Mais encore faut-il que certains prennent le risque de faire le pas en avant et qu’ils soient soutenus par des investisseurs audacieux. « La victoire appartient aux plus opiniâtres » proclamait Roland Garros, une phrase qui ne résonne pas seulement sur le court Philippe Chatrier.
Le 1er Novotel de Lesquin ne s’est pas fait sans mal, tout comme la concrétisation du 1er Mama Shelter porte de Bagnolet, du Citizen M de Schiphol, du Generator de Londres ou Berlin. L’audace et la ténacité sont les clefs du succès quand on est persuadé du bien-fondé de sa proposition.
Elle se fonde sur une respiration de l’air du temps, sur une projection des signaux faibles, sur un accompagnement d’investisseurs visionnaires. La France n’est pas en reste, ni en manque d’imagination… mais elle n’est pas la seule.
Si elle veut rester en pointe, il faut lever la tête du guidon, partager ses convictions, observer les évolutions, mesurer les progressions comme nous vous invitons à le faire régulièrement… Notre pays a – a eu – trop tendance à privilégier la réflexion à l’action. Il est temps de donner à la main la même considération qu’on accorde à la tête. Dans nos métiers, on ne peut créer de valeur sans une parfaite exécution qui reste encore le meilleur repère de la qualité de service. Ce n’est pas ChatGPT qui pourra la remplacer.
Partagez nos valeurs – audace, bienveillance, responsabilité - et notre passion.